VINGT
LAUREL SE VAUTRA SUR SON LIT EN SOURIANT. LA JOURNÉE AVAIT été tellement formidable – en plus de lui offrir un repos dont elle avait grandement besoin. Avec un soupir de contentement, elle écarta largement les bras, et quelque chose de pointu lui frappa le coude.
Elle jeta un coup d’œil à un parchemin carré orné d’un ruban à l’allure familière. Elle fut parcourue d’un frisson de nervosité et elle espéra qu’il ne s’agissait pas d’une convocation hâtive la priant de revenir à Avalon pendant la pause d’hiver d’un mois en décembre.
Même si elle avait aimé son été à Avalon, elle ne désirait pas pour autant passer le reste de son temps au lycée à être rappelée à l’Académie chaque fois qu’elle était en congé scolaire. Elle avait une vie !
Avec hésitation, elle tira sur les bouts du ruban et ouvrit le carré de papier plié. Un sentiment d’excitation remplaça son appréhension.
Vous êtes cordialement invitée à assister au festival de Samhain afin de marquer le Nouvel An. Si vous choisissez d’accepter l’invitation, veuillez vous présenter au portail le matin du 1er novembre. Tenue de cérémonie obligatoire.
Puis, dans le coin droit du carton, il y avait cette note gribouillée d’une écriture enfantine :
Je t’accompagnerai. Tam.
Rien d’autre.
Elle toucha la signature au bas. Elle disait tant de choses et pourtant si peu. Il n’y avait pas de salutations ; pas de « Avec amour, Tam » ou « Ton Tam ». Ou même « Cordialement, Tam ». Mais il avait signé Tam et non Tamani. Peut-être était-ce au cas où une autre personne ouvrirait l’invitation. Ou bien il avait remarqué qu’elle le surnommait Tam uniquement lorsqu’ils vivaient un moment particulièrement intime.
Et peut-être que cela ne signifiait rien du tout.
D’ailleurs, c’était le moindre de ses soucis. Comment réussirait-elle à organiser cela ? Elle ne pouvait pas en parler à David. Pas après la façon dont il avait réagi la dernière fois qu’elle était allée voir Tamani. Tout à coup, elle se demanda dans quelle mesure aujourd’hui avait été inspiré par le long samedi qu’elle venait juste de passer à la terre. Informer David qu’elle désirait faire un autre saut d’une journée entière à Avalon – accompagnée par Tamani – ne serait probablement pas bien reçu de lui en ce moment.
Mais un festival à Avalon ! C’était une chance qu’elle ne pouvait pas laisser filer. Elle souhaiterait y assister même sans Tamani.
Elle n’aimait pas mentir à David, mais dans ce cas-ci, c’était possiblement pour le mieux. Parfois, il était préférable qu’un petit ami ignore certaines choses. En plus, David était fasciné par Avalon.
Cela lui semblait presque égoïste de l’informer de l’endroit où elle se rendait alors qu’il ne pouvait pas venir. Les fées ne permettraient jamais à un humain d’entrer dans Avalon. En fin de compte, il valait peut-être réellement mieux qu’il ne sache pas tout.
Plus Laurel y réfléchissait, plus toute l’affaire l’angoissait. Elle poussa l’invitation sous son oreiller et dans un effort pour se distraire, s’assit à son bureau et sortit les composants du verre en sucre. Quand la première fiole éclata – comme si elle répondait à un signal – Laurel soupira. Elle recommença.
Le 1er novembre était un samedi ; David travaillerait probablement. Cela aiderait, du moins un peu. Sauf que sa vie sociale était plutôt limitée. Si elle ne se trouvait pas à la maison, à l’école ou au boulot, elle traînait toujours avec David. Bien, parfois avec Chelsea aussi.
Chelsea ! Elle pourrait prétendre être occupée avec Chelsea.
Son idée brillante s’évanouit presque aussitôt qu’elle prit forme.
Chelsea ne mentait même pas pour elle-même ; elle ne mentirait certainement pas pour Laurel.
Tout de même, Laurel ne supportait pas la possibilité de rater le festival. Elle ne savait pas du tout à quoi il pouvait ressembler, mais elle savait exactement ce qu’elle porterait. C’était l’occasion parfaite d’arborer la robe de soirée bleu foncé qu’elle avait choisie vers la fin de son séjour à Avalon. Bien qu’elle se soit sentie un peu coupable de la prendre à ce moment-là, il lui semblait à présent que le destin l’avait guidée.
Souriant d’anticipation, Laurel posa son tube de diamant et examina son travail. Elle n’avait pas accordé une seule pensée consciente à sa bêtifiante tâche répétitive depuis que la première fiole avait éclaté dans sa main.
Là, soigneusement alignées sur le dessus de son bureau, trônaient quatre fioles en sucre parfaites.
Ce vendredi, Laurel était assise devant le plan de travail de la cuisine, à peiner sur son devoir d’espagnol. Il ne restait que six semaines avant les examens finaux et la conjugaison des verbes à l’imparfait demeurait pour elle un mystère complet. Ses pétales pendaient mollement dans son dos ; deux étaient déjà tombés et le soulagement de Laurel réussit à surpasser sa déception. Elle se sentait en danger de fleurir pendant que des trolls la traquaient. Il n’y avait pas eu d’autres épisodes alarmants ces dernières semaines, mais alors, elle et David s’étaient montrés extrêmement prudents.
Ils passaient rarement du temps à l’extérieur de la maison de Laurel et, même à l’école, Laurel emportait son nécessaire complet au fond de son sac à dos et le transportait partout avec elle.
Elle avait travaillé très dur à ses études pour Avalon également.
Le succès de cette semaine avec les fioles en verre de sucre avait renouvelé son assurance ; malheureusement, elle s’amenuisait de nouveau devant ses tentatives ratées de préparer des potions. Elle n’avait même pas réussi à fabriquer une nouvelle fiole depuis lundi.
Et, sous peu, elle serait à court d’ingrédients pour le sérum monastuolo, ce qui l’obligeait à mélanger des fertilisants ou des insecticides – pas tout à fait le genre de chose qui serait utile pour se défendre contre un troll. Toutefois, elle ne pouvait pas cesser de s’exercer alors que tant de gens comptaient sur elle pour y arriver.
Ce soir étant l’Halloween, le niveau de stress de Laurel s’était élevé d’un cran. Elle n’aimait pas l’idée d’une foule de gens masqués courant partout. Qu’est-ce qui empêchait les trolls de terroriser la ville ? Pour couronner le tout, ses parents avaient accepté de participer au programme d’Halloween grâce auquel les enfants passaient chercher des bonbons dans les commerces locaux. Laurel se serait sentie beaucoup plus à l’aise qu’ils restent avec elle à la maison, où elle – et plus important encore, ses sentinelles – pouvait les surveiller. Cependant, cela aurait exigé qu’elle leur parle des trolls, ce qui ne serait sûrement pas bien reçu. Particulièrement quand on voyait que la mère de Laurel était déjà en état de choc perpétuel devant l’existence des fées. Non, il valait mieux qu’ils demeurent dans une bienheureuse ignorance. D’ailleurs, les trolls n’en avaient pas après ses parents ; c’est elle qu’ils voulaient.
Comme si elle sentait que Laurel songeait à elle, sa mère descendit et prit le pot à café, remplissant sa tasse de voyage du breuvage noir, vieux de plusieurs heures.
— Je dois retourner à la boutique, dit-elle, son regard évitant soigneusement la fleur de sa fille – ou ce qui en restait. Je reviendrai tard. Tu as invité des amis à venir t’aider à distribuer des bonbons, n’est-ce pas ?
— Ils arriveront dans une demi-heure environ, répondit Laurel.
Cette idée était de son cru. Elle ne pouvait pas protéger tout le monde, mais elle pouvait au moins assurer la sécurité de Ryan et de Chelsea. Laurel ne pensait pas vraiment que les trolls représentaient un danger pour eux, mais quelque chose dans l’air ce soir la rendait paranoïaque à propos de tout.
— Amuse-toi, lança sa mère en cliquant en place le couvercle de sa tasse.
Elle prit une gorgée et grimaça.
— Beurk, quel goût atroce. Enfin, les bonbons sont rangés dans l’armoire du haut.
Elle esquissa un geste vague.
— Formidable ! Merci d’être allée en chercher.
Laurel sourit, probablement avec un peu trop d’insistance, mais c’était mieux que de ne pas le faire du tout.
— Pas de problème. Et il devrait y en avoir plus qu’assez, alors tu peux en manger aussi.
Elle hésita, puis son regard croisa celui de Laurel.
— Je veux dire, pas toi précisément. Évidemment, tu n’en manges pas. Mais, tu sais : David et Chelsea et… je dois partir.
Elle passa en coup de vent devant Laurel, fuyant l’embarras.
C’était toujours ainsi ; les choses se passaient bien un temps, puis quelque chose rappelait à sa mère à quel point la vie était devenue étrange. Laurel soupira. Les moments semblables la déprimaient toujours. La déception commençait à l’envahir quand sa mère s’éclaircit la gorge juste derrière son épaule droite.
— Euh, dit-elle avec hésitation, tu sembles tomber en pièces.
Elle baissait un regard plutôt bizarre sur trois nouveaux pétales qui s’étaient détachés pendant que Laurel faisait ses devoirs. Sa mère s’arrêta une seconde et donna l’impression qu’elle allait pivoter et se diriger vers la porte, mais ensuite, elle changea d’avis et se pencha pour ramasser un pétale. Laurel resta assise sans bouger et retint sa respiration, essayant de savoir s’il s’agissait d’une bonne ou d’une mauvaise chose. Sa mère tenait le long pétale – plus gros que tous ceux qu’elle avait vus sur des plantes normales, Laurel en était certaine – et puis le leva devant la fenêtre, observant le soleil briller à travers lui. Une autre pause, puis la mère de Laurel la regarda.
— Puis-je… Est-ce que tu permets que je l’emporte avec moi à la boutique ? demanda-t-elle, la voix basse, presque timide.
— Bien sûr ! répondit Laurel, grinçant des dents quand sa voix emplit la pièce – trop vive, trop gaie.
Cependant, sa mère ne sembla pas le remarquer. Elle hocha la tête et rangea le pétale avec précaution dans son grand sac fourre-tout. Elle jeta un rapide coup d’œil à sa montre et inspira bruyamment.
— Maintenant, je suis vraiment en retard, déclara-t-elle en se tournant brusquement vers la porte.
Elle avança de deux pas, puis s’arrêta et pivota. Comme si elle traversait une barrière invisible, elle se hâta de revenir et elle étreignit Laurel. Elle la serra réellement dans ses bras.
Cela dura trop peu de temps – seulement quelques brèves secondes – mais c’était sincère. Sans un autre mot, sa mère sortit à grands pas, ses talons cliquetant sur le plancher de bois quand elle ouvrit la porte et la referma bruyamment derrière elle.
Laurel se rassit sur son tabouret en souriant. C’était un petit pas et il ne signifierait peut-être plus rien demain, mais elle était prête à l’accepter à sa juste valeur. Elle sentait encore la main de sa mère sur son dos, la chaleur de sa joue, la faible odeur de son parfum flottant dans l’air. Familier, comme un ami depuis longtemps perdu qui rentre à la maison.
La porte avant s’ouvrit soudainement, la tirant brusquement de sa rêverie, et Laurel froissa une page de son livre, réussissant tout juste à retenir un cri. Elle se baissa vivement derrière l’îlot de la cuisine et entendit des pas légers se dirigeant vers elle. Un troll avait-il réussi à traverser la protection autour de sa demeure ?
Jamison avait dit qu’elle bloquerait tout sauf le plus fort des trolls, mais elle n’était pas à toute épreuve.
Laurel songea à ses sentinelles à l’extérieur. Où se trouvaient-elles ? Les pas s’arrêtèrent au bas de l’escalier. Il était entre elle et la porte arrière. Laurel s’accorda un moment pour tendre rapidement la main pour s’emparer d’un couteau du bloc de rangement posé sur le plan de travail.
Le couteau de boucher. Génial.
Elle pouvait peut-être le surprendre, le toucher avec le couteau de boucher, d’une manière ou d’une autre, et atteindre la porte arrière avant qu’il ne puisse la rattraper. C’était un gros risque, mais elle n’avait pas d’autre choix. Si elle pouvait seulement sortir par la porte arrière, là où les sentinelles pourraient la voir, elle serait en sécurité. Elle s’approcha subrepticement de l’embrasure de la porte de la cuisine et leva le couteau devant sa poitrine. Les pas se rapprochaient.
La silhouette familière de David tourna le coin.
— Holà ! hurla-t-il en bondissant en arrière, les mains tendues devant lui.
Laurel se figea, les mains toujours serrées autour du couteau de boucher alors que le choc, la peur, le soulagement et la honte la submergeaient d’un coup. Avec un grognement de dégoût, elle fit claquer le couteau sur le plan de travail.
— Qu’est-ce qui cloche chez moi ?
David s’avança d’un pas et l’attira à lui, frottant ses mains d’un mouvement de va-et-vient sur les bras de Laurel.
— C’est ma faute, déclara-t-il. Je suis arrivé tôt. J’ai vu ta mère reculer la voiture dans l’allée et elle m’a dit d’entrer. J’aurais dû réfléchir et frapper ou…
— Ce n’est pas ta faute, David. C’est la mienne.
— Ce n’est pas ta faute, c’est – c’est tout, tout simplement. Les trolls, l’Halloween, Klea…
Il fit courir ses mains dans ses cheveux.
— Nous sommes tous les deux remontés.
— Je sais, dit Laurel, se penchant en avant et enroulant ses bras autour de la taille de David.
Se forçant à changer de sujet, elle reprit :
— J’ai passé un bon moment avec ma mère juste avant ton arrivée.
— Ah ouais ?
Laurel hocha la tête.
— J’attends que notre relation s’améliore depuis presque un an.
Peut-être… peut-être qu’elle commence à prendre du mieux.
— Cela s’arrangera.
— Je l’espère.
— Je le sais, dit David, ses lèvres descendant lentement sur son visage, puis derrière son oreille. Tu es trop belle pour que quiconque reste en colère contre toi très longtemps.
— Je suis sérieuse ! s’exclama-t-elle, sa respiration s’accélérant alors que ses lèvres caressaient le côté de son cou.
— Oh, je suis sérieux aussi, rétorqua-t-il, ses mains remontant doucement sur la peau de son dos. Très, très sérieux.
Elle rit.
— Tu n’es jamais sérieux.
— Je suis sérieux à ton sujet, déclara-t-il, ses mains s’arrêtant sur les hanches de Laurel.
Elle moula son corps contre le sien et il passa ses bras autour de son dos pendant quelques secondes avant de s’écarter.
— Quoi ? demanda-t-elle.
Il pointa le sol. Il y avait deux autres pétales sur le tapis.
— Nous devrions probablement les ramasser avant que Chelsea et Ryan n’arrivent, dit-il d’un ton moqueur.
— Sans blague. Tout aura disparu demain. Merci, mon Dieu.
— Nous pourrions essayer de les faire tomber tout de suite par friction, suggéra David en inclinant la tête vers le sofa.
— Aussi agréable que cela semble, répondit Laurel en tapotant gentiment ses doigts sur son torse, Chelsea et Ryan seront ici d’une minute à l’autre.
— Ils ne seront pas choqués ; ils s’embrassent constamment à pleine bouche à l’école, affirma-t-il avec un large sourire.
Laurel se contenta de le regarder avec un sourcil levé.
— Bien.
Il l’embrassa une dernière fois, puis entra dans la cuisine et ouvrit la porte du réfrigérateur.
— Ne peux-tu pas garder autre chose en réserve que du Sprite là-dedans ? Du Mountain Dew, peut-être ?
— Bien sûr, car ce serait une couleur formidable pour mes yeux et mes cheveux, rétorqua Laurel d’un ton sarcastique. En outre, la caféine me rendrait malade.
— Je n’ai pas dit que tu devais en boire, répliqua David en ouvrant une boîte de Sprite avant de la tendre à Laurel. Simplement en avoir au cas où quelqu’un d’autre en voudrait.
Il ouvrit son propre Sprite et se glissa sur un tabouret devant l’îlot.
— Chelsea ne s’attend pas à ce que nous nous déguisions pour remettre les bonbons, n’est-ce pas ? s’enquit-il en plissant le nez.
— Non, j’ai vérifié pour en être certaine, répondit Laurel. Personne ne se déguise, sauf moi.
— Tu te déguises ? demanda David avec scepticisme.
— Ouais. Je fais semblant d’être humaine.
David roula les yeux.
— J’ai marché droit dans le piège, non ?
Il baissa le regard sur son manuel d’espagnol froissé.
— Tu étudiais ? demanda-t-il. On dirait que ton livre trouve cela plutôt difficile.
— Oui, j’étudiais jusqu’à ce que je sois distraite par ma tentative de te tuer avec un couteau de boucher.
— Oh, oui, c’était amusant ça. Nous devrons recommencer, un de ces jours.
Laurel gémit et posa sa tête dans ses mains.
— J’aurais pu te tuer, dit-elle.
— Impossible, rétorqua David, un grand sourire aux lèvres. J’étais totalement préparé.
Il tendit la main dans son dos et brandit un pistolet noir.
Laurel bondit de son tabouret.
— David ! Tu as amené ton arme dans ma maison ?
— Évidemment, répondit-il, complètement nonchalant.
— Sors-le d’ici, David !
— Eh, eh, allons, reprit-il en rangeant rapidement le pistolet dans l’étui dissimulé dans le creux de son dos. Ce n’est pas comme si je n’avais jamais fait cela auparavant. Ta maison est sûre… enfin, autant qu’elle puisse l’être ces jours-ci. Mais – il jeta un coup d’œil autour de la pièce, comme s’il s’attendait à ce que quelqu’un soit là à les écouter – nous recevons Chelsea et Ryan ce soir. Et le fait que tu t’affoles à cause de l’Halloween me fait paniquer un peu moi aussi.
Je voulais être prêt au cas… juste au cas. Franchement, j’ai pensé que cela pourrait te faire sentir un peu plus en sécurité. De toute évidence, j’avais tort.
Il leva les yeux et regarda directement Laurel ; le regard furieux de la jeune fille s’opposait à celui de David, contrit mais déterminé.
Elle flancha la première.
— Je suis désolée. C’est juste que je déteste ces trucs.
Il hésita.
— Si tu le désires vraiment, je vais aller le ranger dans la voiture.
Ce qu’il avait dit sur le fait qu’il pourrait être utile était logique.
C’est cependant sa haine du pistolet qui l’emporta.
— Je l’apprécierais, dit-elle doucement.
La sonnerie stridente de la porte d’entrée fit sursauter Laurel.
— Ils sont ici, déclara-t-elle, frustrée. Contente-toi de garder ce truc hors de vue pour l’instant, lui ordonna-t-elle. Je ne veux plus le revoir.
Elle se rendit jusqu’à l’entrée de la cuisine avant que David ne lui attrape le bras.
— Ta fleur, murmura-t-il. Je vais ramasser ceux sur le plancher.
— Zut. J’arrive tout de suite ! cria Laurel en direction de la porte d’entrée.
Elle déroula la large ceinture à son poignet et la replaça rapidement autour de sa taille. Elle devait seulement faire disparaître les pétales mous aux regards des autres ; elle pourrait se rendre discrètement à la salle de bain plus tard pour refaire plus joliment le travail. David disposa des pétales qu’elle avait laissés sur le plancher pendant que Laurel ouvrait à Chelsea et Ryan avec un sourire qui, elle l’espérait, n’avait pas l’air trop faux.
— Hé, les amis.
Ils affichaient un sourire idiot et un serre-tête néon équipé d’yeux luisants bondissant au-dessus de leurs têtes au bout de longs ressorts.
Laurel arqua un sourcil.
— Impressionnant, déclara-t-elle d’un ton pince-sans-rire.
— Pas aussi impressionnant que cela, rétorqua Chelsea en pointant par-dessus l’épaule de Laurel.
— Quoi ? demanda Laurel en tournant brusquement la tête, tout à coup paniquée à l’idée que ses pétales pointent vers le haut.
Dès qu’elle se retourna, quelque chose se referma sur ses tempes et elle leva les yeux pour apercevoir sa propre paire d’yeux protubérants, oscillant dans son champ de vision.
— Merci, dit-elle d’une voix traînante et sarcastique.
— Ah, allons, rétorqua Chelsea. Ils sont amusants !
Laurel se tourna vers Ryan, un sourcil arqué.
— Ne me regarde pas, lança-t-il. C’était l’idée de Chelsea.
— D’accord, je vais les porter, déclara Laurel avec un sourire de conspiratrice. Pourvu que tu en aies apporté une paire pour David aussi.
Chelsea leva un quatrième serre-tête.
— Parfait.
Elle tira Chelsea dans la maison et scruta la pénombre du crépuscule en refermant la porte derrière Ryan.